Parfois la photographie vous sauve d’une situation plus qu’inconfortable.
Elle vous projette dans un ailleurs et vous autorise à être là sans y être vraiment.

C’est sûrement pourquoi cette série contient une énergie et une douceur qui m’échappaient
totalement au moment de l’enregistrement de ces images.

J’ai photographié ces jeunes filles pleines de vie alors que moi-même je me trouvais
comme paralysée, entre deux eaux, pas à ma place, ni là, ni ailleurs.
Focaliser mon regard sur elles m’a aidé à vivre ce moment troublé.

J’aime ces images car elles sont purement instinctives, faites dans une urgence qui donne des ailes,
qui fuit toute intellectualisation et laissent l’acte photographique à sa nudité.
 
Les filles étaient en perpétuels mouvements, je les suivais sans les poursuivre.
Elles ne me regardaient pas, ne me voyaient pas.
Le jeu était la seule chose qui s’imposait à elles.
C’était beau de les regarder vivre.

Ça criait, ça courait, les adultes n’étaient pas loin, mais je ne pouvais pas en faire partie.
Je ne voulais pas répondre à cette (fausse) simple question  : «  Comment vas-tu  ?  ».
Cette inévitable question que tous les adultes bien élevés finissent par se poser quand ils sont
amenés à partager un moment commun.

Peut-être qu’en d’autres circonstances, mes images faites ce jour-là auraient été tout autres.
Mais je crois qu’à bien y réfléchir, elles n’auraient tout simplement pas existé. 
J’aurais posé mon appareil photo dans un coin et je serais restée à discuter avec les autres adultes présents,
un verre à la main, en tentant de répondre à la fameuse question  : «  Comment vas-tu  ?  » suivie de celle
tout aussi inévitable  : «  Que fais-tu  ?  ».

Les enfants ne nous demandent pas si nous allons bien ou pas.
Pour eux, nous allons, tout simplement.
Puisque nous sommes vivants.

Ça manque parfois de ne plus être un enfant.
D’avoir cette confiance absolue devant chaque nouveau jour qui se lève.