Cette série de portraits de rue marque une période de transition.
Je quittais le bas de la rue de Belleville pour le haut de cette même rue, quasiment à la frontière
entre Paris et sa banlieue la plus proche.

Presque tous les jours, je devais monter et descendre cette longue rue comprise entre plusieurs
stations de métro.
J’ai rapidement décidé de la parcourir à pied.

Au fil des jours, j’en reconnaissais les différentes étapes, comme des paliers successifs, je me
repérais aux boutiques, aux rues perpendiculaires qui la traversaient, aux diverses communautés
qui se croisaient.
Ce flux incessant de visages me fascinait.

J’aimais ça, ces frôlements d’épaules, ces bras chargés de sacs, ces enfants aux regards
pétillants, il n’y avait ni de limite d’âges, ni d’activités très définies.
Nous étions tous là dans cette même rue aux trottoirs étroits à partager quelques secondes
d’une même existence.

C’est tout naturellement que j’ai eu envie de photographier tous ces visages, un maximum,
sans aucun critère de sélection. Tous m’intéressaient, tous me plaisaient.
J’aimais leurs mouvements, leurs expressions, leurs contrastes et les liens qui se tissaient
entre eux.  

Parfois, je changeais de parcours, je prenais une rue avoisinante, toujours à la recherche de
nouveaux visages à capturer.
J’adaptais le rythme de mes pas à celui des prises de vues.
J’avançais donc lentement, toujours prête à déclencher.
C’était un acte compulsif autant qu’amoureux.
Je n’étais pas noyée dans la masse, je faisais partie du grand monde des vivants.

Des années plus tard, je garde une tendresse infinie pour ces portraits d’inconnus.
J’aimais Paris, j’aimais mon quartier, j’aimais la vie qui y circulait.
Il ne m’est jamais venu à l’idée de faire les mêmes images dans un autre quartier.

J’ai toujours fonctionné à l’affect.