Cela ne se voit pas,
mais l’essentiel de ces images, je les ai faites alors que j’étais toute jeune maman.
Je scrutais ce que j’ai toujours scruté dans ma vie urbaine  :
ces inscriptions sur les murs, cette vie toute en verticales, ce bitume luisant après la pluie,
cette grisaille quotidienne qui, finalement, m’allait plutôt bien.

Étonnamment, à cette période, je photographiais moins les gens, ceux que l’on croise
de manière si furtive lorsqu’on habite en ville.
Peut-être, sûrement, parce que pour la première fois, j’étais fascinée par un seul et même
visage qui s’offrait à moi, et qui envahissait mon quotidien jour après jour.
J’ai pourtant choisi de ne pas intégrer ici un seul portrait de ma fille.

Une question finit cependant par pointer son nez,
mon regard avait-il alors subi un quelconque changement ?
Spontanément, je répondrais que non, et puis, à y regarder de plus près, il semblerait que oui.
Mes premières images faites à Paris, des années plus tôt, mettaient en valeur le «  plein  ».
Tout débordait du cadre, les visages, les immeubles, les rues, et je trouve au contraire que
ces photographies, dans leur grande majorité, s'ouvrent sur un certain silence.

J’étais donc peu à peu en train de prendre mes distances avec ce qui m’avait toujours attiré.
Le bruit et l’agitation permanente ne m’aimantaient plus.
J’avais besoin de calme. De vrai calme.
Pour elle. Pour moi.
Chaque matin.

Ce sont là mes dernières images parisiennes avant le grand départ.
Le vivre ailleurs, le tout différent.
La vie horizontale, celle où le regard va chercher loin son point de fuite.
Où les arbres ont remplacé les immeubles.
Où l’on croise presque tous les jours les mêmes visages.
J’ai donc choisi de voir grandir ma fille dans un tout autre paysage que celui
dans lequel j’ai passé toute mon enfance. 
Pour voir ce que ça fait d’être élevée là-bas.

Mais maintenant là-bas, c’est ici.